Sous
le plomb de l'air, du nerf à vif. Une impatience crispe les gestes.
L'indécision fait tanguer.
On
sait que même l'orage ne pansera pas l'irritation qui est ailleurs :
dans l'attente de rien, l'interminable surplace, l'inconfort
permanent.
On
aimerait la placidité des bêtes. On tend vers le point où le
lointain se dévoile, où la musique enfin déploie sa respiration.
Mais
toujours, dans son clapot, l'eau de l'empêchement lèche nos yeux.
Il s'en serait fallu de peu pourtant... un ver luisant aurait pu
combler ces hiatus. Ou bien le chant blessé des engoulevents. Les
pois de senteur éclaboussant les fossés.
Mais
non, même le sommeil se refuse, nous n'en avons que la lourdeur ;
pas le repos ni l'oubli.
Et
depuis quand cet épuisement de tout nous est venu ?
Et voilà que de l'eau des ruisseaux et des rêves, nous passons à celle que le ciel balance généreusement sur la terre (et nos têtes). Bachelard serait content : il ne manque que le feu, quoique les éclairs des orages peuvent faire office. Je préfère être DANS que SOUS l'eau mais suis contente que la terre s'imbibe.
J'ai vraiment trouvé des pépites dans les ruisseaux de Gaston, " Une grammaire pour explorer notre être au monde " comme le dit si bien Jean-Philippe Pierron, philosophe, spécialiste de Bachelard.
Dans le ruisseau parle la Nature enfant * parce que c'est toute une jeunesse, une vivacité, une fraîcheur qui s'expriment dans le ruisseau. C'est le ruisseau de Schubert... et l'écriture de Bachelard coule et dérive comme une improvisation.
Mais on y croise aussi les eaux dormantes, profondes, mortes, " l'eau lourde " d'Edgar POË. C'est une eau malheureuse, sa peine est infinie et le rêveur n'y rencontre que son passé ou la mort.
On y croise aussi Caron, le passeur souterrain d'une rive à l'autre, de vie à trépas, et cette pauvre Ophélie (au fil de l'eau) morte presque par inadvertance dans les eaux désirées. Silence ici...
Narcisse vient mais il n'est pas seul à contempler son image. Le ciel et les arbres aussi se mirent et se trouvent beaux, sans doute. L'œil véritable de la terre, c'est l'eau. *
Et l'eau-mère, mer, le lait du lac, principe féminin par excellence, principe de vie L'eau nous porte. L'eau nous berce. L'eau nous endort. L'eau nous rend notre mère. *
Je voudrais aussi vous faire connaître ce texte -parution posthume - de mon amie Catherine Sanchez, extrait de Maka ma mère suivi de Ode au courant du ruisseau - Pleine Page, 2014 (Terre d'ombre) :
Et pour terminer avec les beaux mots de Bachelard, je vous propose enfin ceci : Venez, ô mes amis, dans le clair matin, chanter les voyelles du ruisseau ! Où est notre première souffrance ? Celle que nous avons hésité à dire... Elle est née dans les heures où nous avons entassé en nous des choses tues. Le ruisseau vous apprendra à parler quand même, malgré les peines et les souvenirs, il vous apprendra l'énergie par le poème. Il vous redira, à chaque instant, quelque beau mot tout rond qui roule sur les pierres. *
Et dessous, une autre pépite :
P.S. : Toutes les citations gras italiques suivies d'un * sont extraites de L'Eau et les rêves - Gaston Bachelard.
P.P.S. : Pour construire le texte que j'ai proposé à mes amis du GIHP que je rencontre une fois par mois, je me suis aussi appuyée sur une réflexion de Michèle Pichon portant sur Bachelard dont, faute d'information, je ne peux dire plus.
P.P.P.S. : j'ai failli ajouter mon Oubli des étangs mais mon post aurait été trop long... À suivre, au fil de l'eau.
Et septembre - le septième mois de l'année comme son nom l'indique puisque l'année commence en mars - commence. Il peut commencer comme ça , sur le balcon (ci dessus) ou comme ça, avec Django : et c'est de la douceur, du bleu pas blues.
De la ballade ou balade. Fini l'écrasement des lumières. Finie l'attente d'on ne sait quoi, l'excitation bête : on n'attend plus, tout est là. L'impatience se tait. L'énervement s'arrête. Quelque chose s'achève et - n'en déplaise à certains - je dis : " enfin ! ". Pour moi, quelque chose commence. L'eau du Bassin va se clarifier. D'ailleurs, j'y file pour goûter ces clartés, cette transparence retrouvée.
Au retour, on se penchera sérieusement sur Bachelard et ses eaux rêveuses et sur Barthes qui craignait d'être un imposteur et qui fut traité d' "anguille ". Mais c'est très beau, les anguilles (et bon, en plus) ! Bref, on se remettra quand même au travail. Mais pour l'instant, partons retrouver l'étincelant, le frais, le vif ! (Photo Clarisse Mèneret)