mardi 28 avril 2015

22 - DANSE

Dans son Dialogue avec Rothko, la danseuse-chorégraphe Carolyn Carlson trace dans l'espace, le temps, le son et avec une poétique précision le cheminement d'un artiste, le geste créateur. Ses mains deviennent un lieu de rituel. C'est une calligraphie corporelle qui me touche profondément. Elle est accompagnée par la musique aimante du violoncelliste Jean-Paul Dessy, à côté d'elle sur scène. Elle le dit : l'esprit ne vieillit jamais.

Danse

À Carolyn Carlson

Humblement, sans un tremblement, tendrement, rappeler les fantômes. Marcher sur les nuages, dans un frôlement d'yeux et d'eau.
Devenir cet être et sa question, dans un désir de saisir puis de lâcher, de chercher, de ramasser, de cueillir les sons, d'en faire des gestes de lumière.
Choisir de s'offrir et de prendre, de se disposer en réceptacle.
Enfiler les gants du don et jongler avec des pincées de couleurs, voir le rebond de nos bras sur l'air.
Nous déprendre de nos baluchons et nous en coiffer.
Et que nos craies crissent sur notre mémoire.
Et que nos gestes anciens soient essuyés pour en dessiner de plus bleus.

Comprendre que le corps, quand il danse, est enfin.

jeudi 23 avril 2015

21 - Les îles du désert, dit-il

Wim Wenders est là, sur le plateau de 28 minutes (Arte)... Il répond finement, figue et raisin, mais ça fait mouche, ça touche à chaque fois. Une petite flèche d'intelligence lorsqu'il parle de cette Europe qui n'est qu'économique et pas encore une émotion. C'est jubilatoire. Et je me souviens d'Alice dans les villes, de L'ami américain (avec mon chouchou, Bruno Ganz qui m'avait inspiré un billet du temps d'over-blog : http://tempesdutemps.over-blog.fr/article-bruno-ganz-55434095.html), de Buena vista social club, et du fantastique, de l'indispensable Pina...


Everything will be find est son dernier film : il évoque la culpabilité d'écrire un livre à partir d'un drame personnel sans avoir demandé à la victime son accord.
À la fin de l'entretien, il le dit : Les ailes du désir, les îles du désert et ça me fait plaisir, tout simplement.
Et je ne m'arrête plus, je retourne au Texas avec Ry Cooder, ça plane Ry... des lieux en forme de silence, des sons perdus aux confins d'un monde qui peut-être n'existe que par l'écho.

Et je trouve, extrait des Ailes du désir ce magnifique poème de Peter Handke Lorsque l'enfant était enfant, ces images de la trapéziste, de Bruno Ganz, de Peter Falk. Et je retombe dans le poème du film :
https://www.youtube.com/watch?v=deFSC741coQ
Faut que je m'arrête. Sinon...
Juste méditer sa phrase, en fin d'émission : " Le réel doit l'emporter sur la fiction. "

Merci, Monsieur Wenders !

jeudi 16 avril 2015

20 - L'Oubli des étangs



L'oubli des étangs

Étends toi, l'étang
Lieu de peu, jouxtant le rien
Une surface et des bords, aimant les heures pâles
Celles du matin y frissonnent
Celles du soir y soupirent
Un ennui, peut-être.


Étends toi, l'étang
Sous ta paix apparente et tes infimes sursauts
Ouvre tes oubliettes

Les étangs nous oublient.


1er septembre 14



mercredi 15 avril 2015

19 - Bé-at BAH !

Faut pas croire qu'on passe son temps là à râler et se lamenter ! Même si c'est trop, trop fort et trop vite, ce bout d'été dans le printemps, qui s'en plaindrait ? Surtout quand on sait - bonheur total - que la pluie va revenir. Oui, la pluie est un bonheur complet pour moi. D'abord parce que c'est de l'eau et que j'aime l'eau plus que tout. Ensuite parce que tout le monde en a besoin, tous règnes confondus.
En l'attendant, on s'agrippe à toute cette lumière.
Même si le monde n'est pas au mieux, on a de petites et des grandes joies. Exemple : le vieil Hubert Reeves disant à Michel Onfray " Pas d'accord avec votre livre sur Freud qui est un Christophe Colomb : il a découvert le continent de la psyché et de l'inconscient ". Et l'autre, comme un p'tit gars qui prend un coup de règle sur les doigts. Mais quand même, tous deux étaient d'accord pour dire qu'il fallait absolument que les enfants voient les étoiles et la voie lactée. Bon moment, belle rencontre.
Béat aussi devant les mots de ces enfants qui - avec les pauvres (dixit Paul Ricœur) - sont nos maîtres :
Le vent tiède et jaune
Se promène dans le parc
Il est en ballade
Maël, 6 ans


Et je salue au passage l'amie et son jardin où il se passe des choses à la fois inquiétantes et... " attachantes ". Une personne qui m'a aidée à réfléchir et à donner du sens disait : " L'attachement, oui. L'attachement à l'attachement, mmhhh, non. "
C'est le B-A, BA mais ça va mieux en le disant.

samedi 11 avril 2015

18 - Les nuisibles


Je me réveille un matin avec un reste de rêve accroché dans l'oreille : à l'école, la maîtresse parle des " nuisibles " et ce mot m'inquiète. Tout à fait éveillée, je cherche de quels animaux elle parlait. Les souris sans doute (ici, un mulot, j'en vois parfois dans mes balades, c'est tout petit), les renards, c'est sûr. Et ma gêne persiste. Enfant, ai-je ressenti un malaise avec ce mot ou bien est-ce un souvenir reconstruit ? Et je comprends ce qui me perturbe tant  : l'anthropocentrisme ! Nous seuls comptons, nous seuls avons le droit de nous nourrir (en empoisonnant la terre), la terre nous appartient en exclusivité. Voilà, ils NOUS gênent, grignotent NOS salades, piètinent NOS champs de blé et, de temps en temps bouffent un humain. Ils ont juste le droit d'être abattus et bouffés. (Pas les mulots mais ça viendra)
Et je ne peux éviter les images de massacres de phoques, d'éléphants, de rhinocéros et j'en passe. Pour finir, je me dis : l'animal le plus nuisible, sans l'ombre d'un doute, c'est l'homme.
Sans transition, autre étonement - quoique... - le vendredi 10 avril, hier donc, je vais chez le buraliste pour acheter Sud-Ouest m'attendant à trouver en une des photos et un compte-rendu de la manifestation de la veille : on était nombreux ! Eh bien, rien ! Ça n'a pas existé, il ne s'est rien passé. Les bras m'en tombent. Et chaque fois que la voix de France-Culture et France-Musique vient dire qu' " en raison de, nous ne sommes pas en mesure, etc etc. " j'entends la " défonce " de l'emploi au lieu de la défense. Je suis sûre qu'il dit " défonce ". Un jour, plus de France-Musique.
Pour finir, un ami me téléphone du Nouveau-Mexique : il est français ET noir. Il me dit qu'il se fait arrêter à peu près tous les quinze jours, comme ça, pour vérification d'identité. Il est résigné et triste. Il a peur parfois parce que presque tout le monde est armé. On a vu ce que ça donne.
Nuisible, vous avez dit nuisible ?
Lui, lien juste dessus,  je vous accorde qu'il n'est pas net : le coucou, Saint-Saëns, Le Carnaval des animaux. Et dessous, le féroce nuisible !
Merci à Fanfan et son blog animalier.

jeudi 2 avril 2015

17 - Écho



Écho



Aller à la joie dévorante, joie animale qui déchiquetera la désolation
Une joie-ravage : entrer dans la musique comme dans une vague,
Peur et liesse tressées.
Aller à l'écho surtout, dans un corps musical
Écho de squale et de mort, mort à l'air libre
Tandis que la lune s'ensable.


Février 2014

mercredi 1 avril 2015

16 - Je vous en mets combien ?

Lu quelque part, c'est Macron qui parle : " Ce serait bien de donner à quelques jeunes l'envie d'être milliardaire ". Quel beau projet, quelle enthousiasmante perpective, l'envie d'être milliardaire, c'est vrai que c'est exaltant !
- Qu'est-ce que vous voulez faire dans la vie ?
- Milliardaire.
- Ah oui ? Mhhh, mouais, pas mal, ça fait rêver ! Qu'est-ce qu'il faut faire comme études ?
Heureusement, je ne lis pas que des trucs comme ça... Lu aussi (merci, Martin !), dévoré, devrais-je dire, le magnifique livre de Alessandro Baricco, Mr GWYN. Une réflexion d'une incroyable finesse sur l'acte créateur assortie de portraits d'êtres humains somptueux. Élégance et profondeur totales.
Et je savoure, à petites lampées, le Journal quotidien (21 septembre 1898 - 21 avril 1899) de Jehan-Rictus (merci, VHM), sous-titre La question du pain est à peu près résolue, restent le loyer, le pétrole et l'amour. Il faut le lire, c'est chez Claire Paulhan, ça vient de paraître. L'appareil de notes est remarquable.
Et puis, Bauchau avec ses Vallées du bonheur profond, dans lequel nous accompagnons Antigone et œdipe, Sophocle et Constantin sur les chemins de la connaissance. Beau livre étrange.
On est loin de Macron et... youpee ! Moi, dans la vie, je veux LIRE (et écouter de la musique) mais il est vrai que je ne suis pas jeune.
http://www.dailymotion.com/video/x2dgzf_ravel-piano-concerto-in-g-major-arg_music
Oh s'il vous plaît, écoutez ce mouvement du concerto en sol de Ravel, ça console de tout.